Thomas s’apprêtait à quitter l’unité Fougère quand il fut abordé dans le couloir par Mme Daroze, la directrice de l’établissement. Costume bien ajusté, regard courtois mais ferme.
« Monsieur Thomas, vous avez un instant ? »
Il hocha la tête. Elle l’invita dans son bureau, un espace impeccable, impersonnel, où tout semblait à sa place sauf l’inquiétude dans sa voix.
Elle commença calmement :
« J’ai entendu dire que vous Ă©changez beaucoup avec les familles, que vous rĂ©unissez du monde autour de… certaines idĂ©es. C’est votre droit, bien sĂ»r. Mais j’espère que cela ne crĂ©era pas de tensions inutiles au sein de notre Ă©tablissement. »
Thomas soutint son regard, sans agressivité.
« Il n’est pas question de créer des tensions, Madame Daroze. Juste de faire entendre des réalités que trop souvent, on préfère étouffer. »
Elle eut un sourire figé.
« Ce genre de discours peut être mal interprété. Vous comprenez, nous avons des professionnels très engagés ici, et les critiques peuvent être… démobilisantes. »
Il répondit doucement :
« C’est justement pour eux aussi que je me mobilise. Pour qu’on arrête de les faire tenir à bout de bras avec trois bouts de ficelle. »
Silence.
Elle tapota légèrement sur le dossier posé devant elle.
« Je vous demande simplement de rester dans un cadre constructif. Si cela venait à perturber la sérénité de l’établissement, nous devrions nous en entretenir plus officiellement. »
Thomas comprit le message. Une forme de menace douce.
Il se leva, sans hausser la voix :
« Ce qui perturbe la sérénité ici, ce n’est pas la parole des familles. C’est leur silence trop long. Et l’oubli des résidents. »
Puis il quitta la pièce, le cœur battant. Il n’y avait plus de retour possible.