Dans chaque EHPAD, il existe un organe censé représenter les résidents, leurs proches, et les personnels de l’établissement. Ça s’appelle le Conseil de la Vie Sociale — le CVS, pour les initiés.
En théorie, c’est là que s’échangent les idées, les besoins, les doléances. En théorie, c’est là que la voix des familles peut se faire entendre. En pratique… tout dépend de qui parle, et de qui écoute.
Thomas y siège depuis quelques mois.
Lors de la première réunion, il s’était présenté calmement. Il n’avait pas raconté tout de suite ce que sa mère avait vécu dans son ancien EHPAD — les soins négligés, les chutes ignorées, les bleus qu’on expliquait par des « accidents ». Mais il avait laissé entendre qu’il ne laisserait rien passer. La direction l’avait repéré dès ce jour-là.
« Monsieur Abbruzzese a intégré le CVS pour défendre tous les résidents, pas seulement sa mère », avait dit Anabelle, presque avec une fierté discrète.
Elle savait ce que valait cet homme-là.
Lema et Nana aussi. Elles avaient vite noué un lien avec lui. Parce qu’il les regardait autrement. Pas comme des exécutantes, mais comme des femmes debout, malgré tout. Il écoutait, posait des questions, prenait des notes. Pas pour surveiller, mais pour comprendre. Pour agir.
Ce matin-là, la réunion se tenait dans une petite salle vitrée près de l’accueil. Quelques chaises, une table ovale, des bouteilles d’eau, un sentiment d’impuissance flottant dans l’air.
Thomas s’installa calmement, salua les autres membres d’un signe de tête, puis sortit son carnet. Il avait préparé ses mots, pesé ses phrases. Pas pour frapper fort, mais pour frapper juste.