Nos proches ont besoin de nous !

Chapitre 11 – Le point de rupture

En fin d’après-midi, le calme était revenu dans l’unité Fougère. Les lumières étaient tamisées, les résidents assoupis ou rassemblés devant la télévision. Thomas attendait Anabelle dans le petit bureau vitré où elle passait souvent ses fins de journée à taper ses mails, les épaules voûtées, les traits tirés.

Elle leva les yeux, surprise mais pas agacée.

« Je peux t’accorder dix minutes, mais pas plus… ou je rate mon bus. »
Elle esquissa un sourire.

Thomas entra, referma doucement la porte.

« Je vais être direct. Ce matin, ça ne peut plus se reproduire. »

Anabelle soupira.
« Tu crois que je ne suis pas d’accord ? Mais on fait avec ce qu’on a, Thomas. Le médecin coordonnateur est débordé, et… »

Il la coupa, calmement.
« Le problème, c’est qu’on laisse les infirmières seules dans des décisions qui relèvent d’un médecin. Et parfois, on s’écarte du consentement des familles. On franchit une ligne. »

Elle baissa les yeux.

« Je sais. Et crois-moi, je le vis mal. Mais je ne peux pas pallier les absences de tout le monde. Je suis là du matin au soir, et parfois je suis à deux doigts de craquer. »

Thomas adoucit sa voix.

« Je ne t’accuse pas, Anabelle. Je sais que tu tiens debout parce que tu refuses de laisser couler cette unité. Mais le système est trop lourd. Il étouffe tout le monde. Vous comme nous. »

Elle hocha lentement la tête.

Il reprit :
« Alors moi, je ne peux plus juste regarder. J’ai commencé les démarches pour créer une association. Pour les familles, les résidents, et vous, les professionnels de terrain. Une structure indépendante, qui posera les vraies questions, et qui défendra les droits des uns sans accuser les autres. »

Un silence.

Puis Anabelle, émue mais digne :
« Si tu fais ça pour nuire, je ne suivrai pas. Mais si tu fais ça pour construire, pour protéger… alors tu peux compter sur moi. »

Thomas tendit la main.

« Pour construire. »

Elle la serra.

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