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📖 Chapitre 17 – Des couleurs malgré tout

Ce dimanche-là, l’unité Fougère baignait dans une lumière dorée. Le soleil entrait à flots par les grandes baies vitrées, caressant les visages, réchauffant les dos. Il y avait un calme inhabituel, presque suspendu.

Lema arriva plus tôt que d’habitude. Elle n’était pas de service ce jour-là. Elle avait troqué sa tunique blanche contre une robe longue à fleurs et avait apporté, dans un grand sac en toile, des crayons de couleurs, des pinceaux, des feuilles épaisses, et même quelques pots de yaourts vides qu’elle avait remplis d’eau colorée.

Anabelle l’aperçut depuis le bureau et sortit, intriguée.

— Tu es venue… travailler ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

— Non. Juste partager un peu de couleur. Aujourd’hui, je veux qu’on oublie la douleur et les couches. Juste une heure.

Anabelle hésita, puis hocha la tête. Elle savait.

Lema installa une grande nappe en plastique sur une table de la salle à manger. Elle mit de la musique douce – un vieux CD de chansons françaises – et, l’une après l’autre, elle invita quelques résidents à s’asseoir autour de la table.

Mme Renée, qui n’avait pas parlé depuis trois jours, murmura en voyant les crayons :

— Je peux faire un arbre ?

— Tu peux faire la forêt entière si tu veux, répondit Lema avec un clin d’œil.

M. Albert, lui, s’appliquait à dessiner un soleil… sans dire un mot, mais le sourire aux lèvres. À côté, Mme Lucette tremblait légèrement en tenant son pinceau, mais Lema la guidait doucement : « Ce n’est pas grave si ça déborde. Ce sont les couleurs de la liberté. »

Et pendant près d’une heure, la salle devint un petit atelier d’art naïf. Un théâtre silencieux de gestes lents, d’éclats de rire étouffés, de souvenirs qui flottaient dans l’air.

Thomas, arrivé pour voir sa mère, s’arrêta net en voyant la scène. Il n’osa pas entrer tout de suite. Il resta là, à regarder par la porte entrouverte, les mains dans les poches. Et il se dit, une fois de plus : « Heureusement qu’elles existent. »

Quand tout fut terminé, Lema rangea doucement. Un résident dormait encore la tête posée sur la table, un pinceau sec à la main. Elle le couvrit d’un châle.

Elle était épuisée. Mais à l’intérieur, quelque chose d’invisible tenait debout. Un fil de vie, de beauté.

Anabelle vint la retrouver, les bras croisés.

— Tu sais que ce que tu fais, ce n’est pas rien.

Lema haussa les épaules.

— C’est peut-être tout, justement.

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