Nos proches ont besoin de nous !

📖 Chapitre 16 – Ce qu’on ne voit pas

C’était en fin de matinĂ©e. Dans le couloir de l’unitĂ© Fougère, les voix des rĂ©sidents s’étaient apaisĂ©es. Certains dormaient dĂ©jĂ  dans leur fauteuil, d’autres regardaient la tĂ©lĂ©vision sans vraiment la voir. Lema marchait vite, le chariot de soin devant elle, son badge accrochĂ© de travers.

Elle s’arrêta en croisant Mme Barrot, la fille de Mme Renée, une résidente récemment entrée dans l’unité. Une femme au regard doux mais inquiet, souvent très présente.

— Bonjour Lema, dit-elle d’un ton cordial. Je voulais juste vous demander… Je sais que vous faites de votre mieux, hein… mais je me demandais, ça fait longtemps qu’on n’a pas vu de petite animation ici. Avant, ma mère me parlait de coloriage, de musique… elle aimait ça. Maintenant, elle me dit qu’elle s’ennuie souvent. Vous ne faites plus d’activités ?

Lema s’arrêta. Elle respira profondément, comme pour peser ses mots, puis s’appuya contre le mur, le chariot bloqué.

— C’est vrai… On n’en fait presque plus. Et croyez-moi, ça me brise le cœur.

Elle regarda Mme Barrot droit dans les yeux, avec une sincérité désarmante.

— Avant, on arrivait encore Ă  organiser des petits ateliers presque chaque jour. Coloriage, pâtisserie, maquillage, esthĂ©tisme, chants… MĂŞme si ça durait vingt minutes, on voyait des sourires, des yeux qui s’animaient. C’était prĂ©cieux.

Elle baissa les yeux un instant, reprenant :

— Mais les nouveaux rĂ©sidents qui nous rejoignent sont de plus en plus dĂ©pendants. Certains ne peuvent plus manger seuls, d’autres ont besoin d’ĂŞtre changĂ©s plusieurs fois par matinĂ©e… Et nous, on est toujours deux pour vingt-cinq. Et parfois… une seule, quand il y a un arrĂŞt ou un congĂ©. Alors on court. Toute la journĂ©e. Et l’animation… on la met dans notre tĂŞte. Pour ne pas oublier. Mais nos mains, elles sont prises ailleurs.

Mme Barrot ne répondit pas tout de suite. Son visage s’adoucit.

— Je comprends… Vraiment. C’est juste que je vois ma mère s’éteindre doucement. Et je me dis qu’un peu de couleur, un peu de musique… ça pourrait encore la raccrocher.

Lema sourit tristement.

— C’est ce que je pense aussi. Mais parfois, je me surprends à dire : « on fera une animation demain », et demain devient la semaine prochaine.

Elle se redressa, prĂŞte Ă  repartir.

— Merci de me le dire sans colère. On n’oublie pas ce que ça représente pour eux. C’est juste qu’on ne peut plus tout faire.

Puis elle reprit sa marche, le chariot grinçant dans le couloir, et dans sa tête, l’envie de relancer un atelier, coûte que coûte.

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